La balade de Rosemonde
C’est une drôle d’affaire quand même que de sentir dans son corps
Cette graine qui grandit, qui secousse et déjà râle
(de) Donner vie dans une société que l’on n’a pas choisie
C’est une drôle d’affaire tout de même de ne pas s’appartenir
De comprendre soudain que l’amour devient un poids à porter
La vie d’un être qu’il va bien falloir élever
Qui sont-ils pour juger ?
Eux qui n’ont jamais connu la douleur
D’un ventre qui se creuse
La fatigue du labeur
D’activités trop douloureuses
C’est une drôle de sensation tout de même quand du lait coule du sein
Quand cette graisse perdue seule donne vie
Quand le soin d’une autre vous revient
C’est une drôle de sensation quand même que de la voir grandir
Malgré la fatigue du corps, malgré le travail encore
Et de sentir sa jeunesse à soi s’éteindre
Qui sont-elles pour juger ?
Elles qui n’ont jamais connu la douleur
D’un ventre qui se creuse
La fatigue du labeur
D’activités trop douloureuses
C’est une drôle d’affaire quand même de voir la liberté des jeunes filles
Quand on est soi-même usée par les grossesses répétées
Je voudrais être seule et dire, maintenant, laissez-moi m’arrêter
C’est une drôle d’affaire quand même quand les corps se façonnent
Couverte de fanfreluches, leur liberté s’égare
En sourires forcés, en postures obligées, les lumières s’éteignent…
Qui sont-ils pour juger ?
Ils n’ont jamais connu la peur
Des portes qui se claquent
Des lendemains qui pleurent
[et] Des coups de matraques /d’assommoir
C’est une injustice quand même que de laisser sa fille partir
Presque la pousser au loin, l’emprisonner sans rien dire
Pardonne-moi, ma fille, la liberté, ce n’était pas ça
Plus doux, presque dans un souffle inaudible : J’aurais dû te l’expliquer…
Qui sont-ils pour juger ?
Comment va-t-on réconcilier
Les enfants, les parents.
Les fils et les pères.
(et surtout) Les filles et leurs mères ?
Qui sont-elles pour juger ?
Depuis leur vie privilégiée
Au ventre qui se creuse
À la fatigue du labeur
Aux lendemains qui pleurent
Nous aussi, on préfère la douceur